Un Péruvien et un Haut-Saônois comparaissaient pour trafic de stupéfiants jeudi. Arrêtés en octobre 2016 par les douanes en Haute-Saône avec de l’ayahuasca, une drogue péruvienne, ils étaient en route pour les Vosges pour animer une cérémonie chamanique.
Peu banal, le dossier de trafic de stupéfiants examiné jeudi par le tribunal correctionnel de Vesoul. Au rang des prévenus, un Haut-Saônois de 39 ans, et un Péruvien, de 58 ans, reconnu pour les rituels chamaniques qu’il prodigue.
Les deux hommes ont été interceptés par les douanes en octobre 2016, dans le rond-point de Saint-Sauveur en Haute-Saône. Ils étaient alors en route depuis l’aéroport de Lyon, pour un gîte à Aydoilles, dans les Vosges, où devait se tenir une cérémonie. Dans le coffre de la voiture du Haut-Saônois : cinq bouteilles d’ayahuasca, d’une valeur de 2 900 € selon les douanes, une drogue péruvienne, perçue au Pérou comme une plante médicinale mais illégale en France.
Le breuvage est notamment réputé pour provoquer des visions à ceux qui le consomment. « L’ambassade de France au Pérou alerte les touristes sur les dangers de l’ayahuasca », rappelle le procureur. « C’est une plante particulièrement dangereuse, qui a été fatale à certains touristes. »
36 ans d’expérience
La consommation de l’ayahuasca se déroule via un rituel dans lequel le prévenu péruvien revendique 36 ans d’expérience. Au Pérou, il gère un hôtel dans lequel il accueille les participants à ses cérémonies. C’est dans ce cadre qu’il a rencontré en 2007 le prévenu haut-saônois. À l’époque, ce dernier a un problème d’addiction qu’il dit avoir soigné grâce à l’ayahuasca. En 2015, c’est lui qui organise le tout premier « séminaire » avec pour maître de cérémonie le Péruvien, en ayant pleine connaissance du caractère illégal de la chose en France.
Dans les Vosges, 26 participants étaient attendus, pour un séminaire de trois jours, contre le paiement de 160 € par jour et par personne. Chaque participant avait avancé la somme au Haut-Saônois, chez qui une perquisition a permis de mettre la main sur 2 500 € en liquide, notamment. « Ce sont les acomptes des personnes qui devaient participer », raconte ce gérant d’un commerce de matériel de jardinage qui a fermé depuis, notamment à la suite de son placement en détention provisoire. « Mais je n’ai jamais perçu un euro de tout ça. L’argent permettait de couvrir les frais du séminaire, du voyage de l’animateur. Le surplus était aussi pour lui. »
« Pourquoi avoir organisé ces séminaires alors ? », l’interroge la présidente du tribunal. « Je crois aux vertus de l’ayahuasca. Si ça peut aider les gens à se sentir mieux. » « À votre avis, pourquoi lui n’était pas chargé de la drogue ? » « Pour ne pas prendre de risque, c’est clair », concède le prévenu, jusque-là inconnu de la justice, qui reconnaît le transport, la détention, l’acquisition et l’importation de la drogue, mais réfute la cession. De la présence dans la voiture de l’ayahuasca, le Péruvien, qui a passé deux mois en détention provisoire à Vesoul, dit tout ignorer. Il nie ainsi le transport de stupéfiants, nie avoir fourni la drogue, et même la cession.
L’affaire a été mise en délibéré. Le jugement sera rendu le 2 mai. Le procureur requiert pour le Péruvien une peine de 12 mois d’emprisonnement dont 10 avec sursis et 30 000 € d’amende, et pour le Français 18 mois dont 16 assortis d’un sursis avec mise à l’épreuve et 10 000 € d’amende.
Source : https://www.estrepublicain.fr/edition-de-vesoul-haute-saone/2018/04/06/vesoul-un-chaman-peruvien-au-tribunal par Laurie MARSOT