Bugarach (AUDE). Jean-Pierre Delors, le maire, reçoit de nombreux visiteurs attirés par le pic qui surplombe sa commune. |

Vivre à Bugarach ou mourir, c’est ce que promettent d’avisés prophètes du Net. Ils prévoient l’apocalypse pour décembre 2012, se basant sur la lecture erronée, mais abondamment propagée, de calendriers mayas. La fin du monde… sauf pour ceux qui auraient trouvé refuge sur le pic de Bugarach, altitude 1231 m et point culminant des Corbières, dans l’Aude.

Depuis, Bugarach attend la migration universelle des « peureux de 2012 » après avoir été, pendant des années, un lieu prisé des amateurs d’ésotérisme, des routards, des babas ou des farfelus de tout poil, persuadés que le grand rocher renferme une base militaire secrète ou les engins de conquête des extraterrestres dont on peut entendre les grondements en se collant à la paroi.

« Voilà deux ans, un parent d’élève avait même proposé d’encadrer une excursion pédagogique pour que les enfants entendent ces bruits », raconte l’institutrice en souriant. « Les gîtes sont pleins. Tout le monde veut venir à Bugarach », se réjouit Jean-Pierre Delors, le maire de ce gros bourg de 194 habitants voué à l’agriculture et au tourisme de la randonnée, et donc de la méditation.

En attendant la télévision japonaise, il est partagé entre la jubilation de cette notoriété spontanée et la crainte d’avoir à accueillir les illuminés, les sectaires apocalyptiques et les esprits suicidaires de la Terre entière. « Voilà deux ans, un jeune venu des Charentes a tenté de se suicider au sabre de samouraï », se souvient encore l’élu, qui relève aussi, plus prosaïquement, une hausse du prix des terrains à bâtir, passé en quelques années de 15 à 50 € le mètre carré.

Sur le sentier qui conduit au sommet de ce refuge futur, Antoinette, bibliothécaire, et Marie, éducatrice, débarquent d’Albi (Tarn) pour marcher et ouvrir leurs cinq sens. « Des proches nous ont parlé de Bugarach. Nous sommes venues ici pour sentir les vibrations du lieu dans le cadre de notre développement personnel. Pas pour l’apocalypse de 2012 », précisent-elles, après avoir réfléchi sur l’alignement des planètes.

Juha Salonen, un Finlandais, a pour sa part dépensé une vraie petite fortune pour acquérir une propriété au plus près du rocher. Pourtant, il se présente comme un simple éleveur, possesseur d’un tout petit troupeau d’une vingtaine de vaches. « Bugarach est un site d’échange énergétique, un haut lieu vibratoire connu des Templiers et des Cathares. Des tribus d’Amérindiens, des Australiens viennent ici », souligne de son côté Genny Rivière, spécialiste de médecine chinoise. Elle exploite, juste en face du pic, cinq gîtes à l’enseigne le Rayon Vert, après avoir signé, en 2008, un ouvrage intitulé « l’Appel du Bugarach, le vortex de la Terre ».

Genny fait tout pour ne surtout pas être associée à cette grande peur apocalyptique. Mais elle ne peut s’empêcher de glisser, au passage, une prophétie cathare, en l’occurrence celle du prédicateur Guillaume Bélibaste, brûlé vif à Villerouge-Thermenès, près de Bugarach, en 1321: « Dans sept cents ans, le laurier refleurira »…
LE PARISIEN
CLAUDE MASSONNET | Publié le 21.02.2011