Dans un arrêt définitif, la Cour a souligné que « la préservation des conditions du ‘vivre ensemble’ était un objectif légitime » des autorités françaises, qui disposent à cet égard d’une « ample marge d’appréciation », et que par conséquent la loi votée fin 2010 et entrée en vigueur en avril 2011 n’était pas contraire à la convention européenne des droits de l’Homme.

Celle-ci interdit de « dissimuler son visage » dans l’espace public en France, notamment à l’aide d’un voile islamiste intégral et stipule que « nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage », sous peine de 150 euros d’amende et/ou d’un stage de citoyenneté, ce que contestait en particulier la plaignante. La Cour a répondu ainsi :

« Consciente que l’interdiction contestée pèse essentielement sur une partie des femmes musulmanes, elle relève qu’elle n’affecte pas la liberté de porter dans l’espace public des habits ou éléments vestimentaires qui n’ont pas pour effet dedissimuler le visage et qu’elle n’est pas explicitement fondée sur la connotation religieuse des vêtements mais sur le seul fait qu’ils dissimulent le visage ».

§ « Parfaite citoyenne française »

Le cabinet d’avocats de Birmingham (Royaume-Uni) qui défendait les intérêts de la jeune femme avait invoqué pas moins de six articles de la Convention européenne des droits de l’homme dans cette affaire (interdiction de traitements inhumains ou dégradants, droit au respect de la vie privée et familiale, à la liberté de pensée, de conscience et de religion, liberté d’expression, et interdiction de la discrimination).

Le Soir BFM: Baby-Loup: la Cour de cassation confirme le licenciement de la salariée voilée – 25/06 2/5

Richard Malka, avocat de la crèche Baby-Loup, répond aux questions de Thomas Misrachi sur le licenciement de la salariée voilée. Ce mercredi 25 juin, la Cour de cassation a mis un terme à six années de procédure sur l’affaire Baby-Loup. Elle a confirmé le licenciement pour faute grave de Fatima Affif, directrice adjointe de la crèche, qui avait refusé d’ôter son voile. Cette affaire relance le débat sur le principe de laïcité et son application dans le champ du secteur privé.

« Parfaite citoyenne française d’un niveau d’éducation universitaire », elle « parle de sa République avec passion. C’est une patriote », avait assuré un de sesdéfenseurs, Me Tony Muman, à l’audience où elle était elle-même absente, fin novembre 2013. Dans sa requête elle affirmait ne subir « aucune pression »familiale, accepter les contrôles d’identité, tout en voulant rester libre de porter le voile à sa guise.

§ Demande de rejet de la requête

Le gouvernement français avait demandé le rejet pur et simple de sa requête. Ses représentants avaient souligné que la loi française ne visait pas spécifiquement le port du voile intégral, mais la dissimulation du visage par quelque moyen que ce soit dans l’espace public, et donc aussi à l’aide d’une cagoule ou d’un casque demoto.

Dans le même temps, ils avaient relevé le caractère extrêmement minoritaire de la pratique du voile intégral en France. Alors que le nombre de musulmans vivant dans le pays est estimé à plus de 5 millions, seules « 1 900 femmes environ étaient concernées fin 2009 », selon une mission d’information de l’Assemblée nationale. Et dans ses observations présentées à la Cour de Strasbourg, le gouvernement français s’était félicité que ce chiffre ait chuté de pratiquement 50 % depuis 2010, « grâce à un important travail d’information du public mené à l’époque ».

§ Jurisprudence

Dans sa jurisprudence passée, la Cour a déjà accordé à la France une marge d’appréciation pour interdire au nom de la laïcité le foulard dans les établissements scolaires. Elle a aussi validé l’obligation de retirer foulards et turbans aux contrôles de sécurité. Mais, en 2010, elle a condamné la Turquie en disant que porter un vêtement religieux ne constituait pas en soi une menace à l’ordre public ou du prosélytisme.

L’arrêt de la CEDH intervient quelques jours après la confirmation par la Cour de cassation française du licenciement pour faute grave d’une salariée voilée de la crèche Baby-Loup, qui envisage elle aussi de se pourvoir à Strasbourg.

La décision des juges de Strasbourg coïncide aussi avec celle de la cour d’appel de Versailles à l’encontre d’un jeune homme condamné en première instance à trois mois de prison avec sursis pour s’être violemment interposé lors du contrôle d’identité de sa femme portant le niqab, en juillet 2013 à Trappes, en banlieue parisienne.

L’affaire avait provoqué une flambée de violences urbaines. Son épouse, condamnée à un mois de prison avec sursis pour outrage et rébellion, et à 150 euros d’amende pour le port d’un niqab, doit être jugée en appel en octobre.

source : Le Monde.fr avec AFP http://www.lemonde.fr/societe/article/2014/07/01/arret-attendu-de-la-cedh-sur-l-interdiction-du-voile-integral-en-france_4448361_3224.html