C’est une affaire qui défraye la chronique : Carla Moreau, star de téléréalité, aurait été ensorcelée par une voyante marseillaise. France 3 vous explique en quoi l’emprise de la voyance est une pratique dangereuse mais dont les signes précurseurs peuvent être détectés afin d’aider les victimes.

“Vous savez, on ressent quand sa fille dit vrai ou faux. Et là, je peux vous assurer qu’elle était sincère. Moi, j’ai vu Carla sous l’emprise de cette femme, de cette voleuse. Ça a commencé très tôt, quand elle avait 17 ans” confie Raphaël, d’une voix cassée au bout du fil.

Cuisinier à La Ciotat, il réagit après l’intervention de sa fille, Carla Moreau, la star du programme “Les Marseillais”, sur le plateau de “Touche Pas à Mon Poste !”, ce lundi soir.

“J’étais piégée dans un engrenage sans fin” a-t-elle répondu à Cyril Hanouna. Dix jours après la révélation de messages vocaux dans lesquels on entend la jeune maman de 24 ans jeter un “sort” à d’autres candidats de télé-réalité, la principale concernée s’est exprimée pour la toute première fois.

Des révélations qui alimentent un feuilleton digne d’une série télévisée qu’on pourrait appeler “Les dessous d’une sombre affaire de sorcellerie”.

Dans un épisode, on apprend que Carla Moreau a fait appel à une voyante marseillaise, prénommée Danae, afin d’être propulsée au-devant de la scène médiatique et de devenir une star de télé-réalité. Dans un autre, on découvre qu’elle aurait été victime d’un chantage et d’une escroquerie, pour lesquels elle aurait dépensé 1.2 million d’euros au cours des quatre dernières années.

Un racket que dénonce Raphaël, le père de Carla : “C’est terrible ce qui lui arrive, elle s’est faite complètement abusée. Moi, ma fille, je l’aime beaucoup et je la défendrai coûte que coûte pour l’honneur de ma famille, ce n’est pas de sa faute.” 

Sur les réseaux sociaux, nombreux sont les soutiens affichés à la jeune femme. Avec plus de 3.3 millions de followers sur Instagram, Carla Moreau est une influenceuse dont la personnalité semble appréciée. “On te croit” lancent plusieurs internautes. “Elle est fluide dans son discours, elle parle comme quelqu’un qui a besoin de vider son sac”, justifie l’un d’entre eux.  

Il y a un an et demi, une plainte avait été déposée par la mère et le beau-père de Carla Moreau après que la voyante se soit rendue à leur domicile. Sur TPMP, Carla Moreau révèle : “J’en étais arrivée à un point où je pensais que j’allais devoir la payer toute ma vie, je ne pouvais plus faire machine arrière.” Avant de conclure : “Je suis soulagée que tout ça sorte enfin.”

Une situation de détresse loin d’être isolée. “L’affaire va permettre à d’autres victimes de sortir du silence. Il y a quelques jours, une personne nous a sollicité car elle s’inquiète pour un ami qui consulte, lui aussi, cette voyante Danae” nous révèle en exclusivité Didier Pachoud, président du GEMPPI. Cette association, basée à Marseille, intervient pour venir en aide aux victimes d’une emprise sectaire ou de la sorcellerie.

Quels sont les mécanismes de la sorcellerie ?

Il s’agit d’une emprise mentale qu’exerce le sorcier sur sa victime. Cette manipulation dirige alors le comportement d’autrui à son insu, à travers des subterfuges pour prendre le pouvoir. Parfois, c’est anodin, avec des consultations facturées à une cinquantaine d’euros. Et parfois, c’est plus grave quand cela atteint des milliers d’euros.

Certains sont tentés d’aller plus loin face à un public fragile. Le GEMPPI intervient lorsque cette influence est nuisible et sournoise.

“Tout ce qui s’apparente à la pensée magique doit susciter notre intention, car ces gens s’appuient sur de maigres témoignages de réussites pour embrigader les victimes” lance Didier Pachoud.

Le profil des victimes est souvent le même.

Sur le millier d’adeptes, il y a toujours une poignée de gens satisfaits. Leur foi extrême et aveugle se construit à partir de deux sentiments : l’anxiété/la détresse et le refus d’acceptation d’une situation qui devient incontrôlable. L’homme déteste lorsqu’il ne maitrise pas quelque chose alors il va chercher des solutions.

C’est donc auprès de sorciers que ces personnes pensent trouver des solutions. Elles deviennent alors une cible plus facile à manipuler car en demande.

“Les sorciers ne sont jamais en contradiction, ils savent bizarrement où sont les problèmes et comment les régler. C’est ce qui séduit, car on veut des réponses.” 

Pour avoir plus de prestance, les sorciers n’hésitent pas user d’artifices comme revêtir des habits religieux, apporter de la magie à la parole ou exposer des objets maléfiques sur la table. “Ces gens-là vont avoir une parole ferme et assurée. Ils se présentent comme des sachants, des spécialistes dotés d’une science infuse. À l’inverse, un médecin ou un psychologue nuancera davantage ses propos et ne jamais aussi péremptoire” estime Didier Pachoud.

“C’est facile de dire que votre cas est complexe et que cela va nécessiter beaucoup de travail dans le monde spirituel afin de planifier plusieurs séquences et soutirer des milliers d’euros.”

Sorciers et marabouts : quelle différence ?

Ils procèdent à la même logique mais se servent d’une religion différente comme point de départ et ont donc, de ce fait, une clientèle variée.

Si les marabouts s’appuient sur des traditions islamiques, les voyants/médiums, eux, se penchent sur les traditions judéo-chrétiennes en évoquant les “anges” et les “âmes”.

En France, les voyants surfent le plus souvent sur le New Age (ou nouvel-âge), un mélange de religion orientale, de paganisme et de magie, verni de christianisme et qui s’accommode pour faire du business en Europe. Une toile de fond idéologique qui englobe tout ce qui relève de l’énergétique.

Moi je pense qu’une personne sous emprise peut appliquer à la lettre les instructions de son maître (le magicien). Par exemple, s’il faut prendre une poupée et lui tanquer une aiguille dans le cœur, il le fera machinalement, sans prendre conscience de ses actes.

Didier Pachoud, président du GEMPPI

Les conséquences ? Un fort impact psychologique englobant paranoïa, peur des mauvais esprits ou encore soumission. “On ne va pas porter plainte contre son devin, car il serait capable de jeter un sort contre nous. C’est typiquement le genre de raisonnement qui opère dans l’esprit des victimes. Or, c’est totalement faux” rassure Didier Pachoud.

Je suis victime d’escroquerie. Que faire ?

La honte est le sentiment qui revient le plus souvent. Très peu de victimes osent en parler, de peur d’être jugées par les autres et d’attiser les moqueries. Résultat : très peu de plaintes vont jusqu’au bout et beaucoup d’affaires passent inaperçues. À cela, s’ajoute un fardeau de plus : celui de fournir des preuves et de payer la machine judiciaire afin de retourner la situation. Dans la majorité des cas, le silence est donc de mise.

Mais lorsqu’une victime est prête à se confier, des associations comme le GEMPPI sont prêtes à les écouter au sein d’une permanence psychologique. Ils étudient chaque cas afin d’envisager une éventuelle judiciarisation. La justice est saisie dès lors que de grosses sommes sont mises en jeu (des milliers d’euros) ou que les preuves sont suffisantes (témoins, vidéos, messages, etc.). Aucune sanction judiciaire n’est en revanche prévue sur des “actes de sorcellerie” comme, par exemple, jeter du souffre ou du sel sur la route d’un concurrent pour l’évincer.

Enfin, un suivi des personnes est mis en place afin de reconstruire ce qui a été détruit.

Il y a cinq jours, sur Instagram, ce témoignage anonyme d’une femme a été publié. Elle y raconte son expérience avec Danaé, la voyante de Marseille. Une simple consultation qui a rapidement dévié : “Elle m’a extorqué de l’argent et a réussi à me faire dire des atrocités sur ma propre famille (…) J’en ai terriblement honte aujourd’hui et je me rends compte à quel point j’ai été naïve” regrette-t-elle.

Concernant l’affaire Carla Moreau, elle est actuellement entre les mains de la justice. La présomption d’innocence prévaut donc sur Danaé, accusée d’extorsion.

Une affaire qui en rappelle une autre… Il y a plus de 20 ans, “les reclus de Monflanquin” avaient défrayé la chronique. Une histoire incroyable d’emprise mentale dans laquelle une famille entière bordelaise avait été spoliée de ses biens par un gourou.

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